Abat-jour tout le monde,
Bon
Comme je me suis déjà livré à un petit exercice documentaire
sur la caténaire 25 kV SNCF (voir le sujet correspondant dans "Installations fixes"), et bien je vais rester dans l'infra et vous donner quelques infos que j'ai récupérées.
Comme l'indique le titre de ce sujet, il s'agit de traiter des courbes et de tout ce qui en découle : dévers et raccordement paraboliques.
Alors allons-y dans la bonne humeur
Enfin, pour ceux qui ont toujours été rebutés par la mécanique et la physique, mille excuses, ce ne sera qu'un mauvais moment à passer
Necessité du dévers en courbe :
Vous avez tous entendu parler de la Relativité Générale d'Einstein. Et bien rassurez-vous, on n'en n'a pas besoin pour expliquer le sujet
Allez, un peu de sérieux, j'en vois qui rigolent au fond
La courbe ferroviaire (je parle ici de la pleine courbe, raccordement exclus) est un arc de cercle défini par son rayon de courbure R (distance entre le centre et la face intérieure du rail extérieur, ou l'axe de la voie)
En voiture, tout le monde a fait l'expérience d'une force qui a tendance à éjecter vers l'extérieur du virage.
Cette force est due à l'accélération que provoque le changement continu de direction (vos roues avant sont braquées et la voitures tourne). C'est un principe : tout changement de vitesse (en direction ou en intensité) se traduit par une accélération... et une accélération est équivalente à un champ de gravitation (donc à une force qui s'exerce sur les objets)... A ben si, ça y est, la voilà la relitivité d'Einstein
Dans le cas de la prise de virages (ou de courbes avec un train), la force exercée sur le véhicule est propotionnelle à sa masse m, au carré de V (sa vitesse linéaire, celle qui est indiquée au compteur) et inversement proportionnelle au rayon de courbure R (plus la courbe est serrée donc R petit, plus la force ressentie est importante).
La force est horizontale et pointe vers l'extérieur de la courbe.
Son intensité vaut F = m*V²/R
Le véhicule est également soumis à son poids (force qui est verticale et orientée vers le bas). L'intensité de cette force vaut P = m*g (g étant l'accélération de la pesanteur terrestre soit g = 9,8 m/s²)
Il y a une troisième force, dont je n'ai pas encore parlé : c'est la force dite "de réaction" qui est exercée par le rail sur le véhicule.
Cette force peut se décomposer en
- une composante verticale (Rv) pointant vers le haut qui compense en intensité le poids
- d'une réaction horizontale (Rh) qui compense en intensité la force centrifuge
Sans dévers, les forces s'appliquant au point G (mouais
, j'y suis pour rien, c'est pour "centre de Gravité") et au point C (j'aurais pu l'appeler Monique, l'autre point, mais ça faisait un peu trop long
) ne sont pas alignées et un couple de renversement se crée. S'il est suffisant, il peut amener le véhicule à se coucher vers l'extérieur de la courbe (plouf !)
Avec un dévers correctement choisi, on peut compenser entièrement ce couple en alignant les deux forces appliquées aux point G et C.
E étant la valeur magique de l'écartement standard de 1435 mm, on a par simple construction géométrique
d/E = F/P... d'où d = E*F/P
En trafiquant les unités on obtient la valeur du dévers théorique compensant exactement la force centrifuge par d = 11,8 * V² / R
(d en mm ; V en km/h et R en m)
Bon, mais quand un train s'arrête dans une courbe
Et ben c'est pas prévu pour
. Dans ce cas, F et Rh sont nuls. Le train aura tendance à "écraser" le rail intérieur de la courbe et il y aura un couple de renversement vers l'intérieur de la courbe (replouf !).
Il faut donc quand même limiter la valeur du dévers et il est rare que l'accélération transversale soit totalement compensée, surtout dans les courbes serrées.
Les courbes sont toujours posées avec une insuffisance de dévers (notée I) vis à vis des trains les plus rapides. Il y aura un excès de dévers pour les trains les plus lents.
Le dévers réel vaut donc dans de nombreux cas 70% du dévers théorique (calculé sur base de la vitesse la plus élevée à laquelle la courbe peut être franchie).
Le dévers est en général toujours inférieur à 160 mm à la SNCF.
L'insuffisance de dévers est limitée à 100 mm.
L'excès de dévers ne doit pas excéder 70 mm pour les trains les plus lents.
Dans les courbes de faible rayon, on limite la valeur du dévers à (R-100)/2 (d en mm et R, rayon de la courbe en m).
On peut aussi prendre le problème à l'envers : connaissant le rayon de la courbe, son dévers, on peut en déduire la vitesse limite à laquelle elle peut être franchie.
Raccordements paraboliques :
Entre un alignement et une courbe, il est indispensable de ménager un raccordement progressif. En effet, on passe d'un zone sans dévers à une zone avec dévers.
Une solution consisterait, vous me direz (... ben alors dites-le !!!
) à faire augmenter progressivement le dévers à cheval sur l'alignement et sur la courbe. Le problème, c'est que dans l'alignement, on se retrouverait avec un excès de dévers qui se transformerait brutalement en insuffisance de dévers au début de la courbe circulaire. Et là, y'a de forts risques d'avoir du vomis partout sur les sièges
La solution, c'est effectivement de faire augmenter progressivement le dévers (linéairement avec la distance parcourue) et de faire passer l'insuffisance de dévers progressivement de 0 à sa valeur en courbe.
Un peu de mathématiques, quelques approximations sur lesquelles je ne m'étendrai pas (parce que là, ce sont des vulgarités à l'état pure
) et on obitent une équation de parabole cubique.
C'est à dire que si l'on trace le raccordement dans un repère cartésien Oxy (O étant confondu avec la fin de l'alignement et l'axe Oy dans le prolongement de ce même alignement), on doit utiliser la formule:
y = x3 / 12.p.R (...x3, ça veut dire "x au cube")
2p (en m) est la longueur du raccordement parabolique et elle se calcule par 2p = d/i
d est toujours le dévers (en mm) et i le gauche dans le raccordement. Et oui, la voie est vrillée dans le raccordement : le rail intérieur ne change pas d'altitude (pente = 0) alors que le rail extérieur est progressivement relevé pour atteindre d. Il a donc une pente qui vaut i (en mm/m). On calcule i par i = 180/V (V = vitesse maxi en km/h), i ne pouvant excéder 5 mm/m.
Résultat : le rayon de courbure varie continûment de l'infini (en O) à R (au point où commence la courbe circulaire proprement dite, à la distance 2p de la fin de l'alignement).
Il faut simplement remarquer que l'interposition d'un raccordment entre un alignement et un arc de cercle induit un décalge du centre de la courbe de p (suivant x) et p²/6.R (suivant y). La jonction avec la pleine courbe se fait en x = 2p et en y = 2.p²/3.R
Voilà, vous connaissez maintenant tous les secrets de la pose de la voie dans les courbes (si vous ne vous êtes pas endormis en lisant
).
Une dernière chose : si un appareil de voie doit être posé en courbe, il faut éviter de l'insérer dans le raccordement parabolique. Ceci est simplement dû au fait qu'un appareil de voie doit être monté à plat et que le gauchissement qu'il peut subir est extrêmement limité (c'est à dire que "i" est très faible).
Bonne soirée !
Rémy