Comme cela faisait longtemps, faute de temps, que je ne vous avais pas pondu un petit truc (et que cela m'a été réclamé à plusieurs reprises en MP ces derniers mois), voici en préambule à quelques authentiques clichés du jour, cette
petite tranche de vie que vous me permettrez peut-être de partager avec vous. En plus, la boutique en ligne de Transmondia fonctionnant enfin, mon sujet fétiche est donc à l'eau. Serge, tu es un chanceux.
So... allons-y...
Ma joyeuse bande de moufflets me prend en traître lundi soir, à peine rentré de Paris. C'est l'aîné, qui ouvre le bal :
"Dis-donc l'ancêtre -
oui...précisons ici que mes 43 ans approchant sont perçus du haut des 11 ans imminents de cet adorable petit ange, comme une sorte d'antichambre de la sénilité précoce. (Faites des gosses...) -
çà fait 8 ans que tu nous bassines avec tes petits trains que tu accumules dans ton bureau alors qu'on ne voit toujours pas le bout du début d'un réseau pour les faire rouler. Quand est-ce que tu nous montres ce que tu pourrais faire ?"Le cadet, 8 ans et toujours avide d'avoir sa part du gateau, enchaîne prestement :
"Oui, il a raison, Paul ! -
marrant, sur ces coups-là, ils sont toujours d'accord, mes enfants. Pourquoi ? -
C'est çà ton réseau ? Pfff... c'est vraiment trop nul ! Celui de Mathias il est vachement mieux !" L'innocente petite créature pouponne évoque avec un sadisme satisfait le semblant de réseau de train Playmobil, vaste, immonde et encombrant plat de spagettis, sobrement bricolé et conchié par le père d'un de ses copains sur une vieille table de ping-pong. Puis, pour appuyer son juvénil propos, il me désigne avec mépris de ses petits doigts potelés encore entachés de Nutella, quelques rails d'un coffret Minitrix qui me sert de banc de test à défaut de mieux. Je me dis en cet instant que j'adore mes gosses, et observe nonchalament au passage que la taxe approchant, il faudra probablement à l'avenir remplacer cette couteuse pâte à tartiner par de la confiture de fraise maison, pas encore considérée comme un signe extérieur de richesse par nos bons ministres aux abois. Bientôt, quand tu feras tes courses, tu payeras directement l'ISF à la supérette. Mais bon, je m'égare...
Puis c'est au tour de leur charmante mère de leur emboîter le pas, libérée et moderne épouse du XXIème siècle, motivée tant par son devoir de solidarité maternelle avec sa progéniture remuante que par son envie récurrente de m'occuper à je ne sais quel bricolage urgentissime au cas où j'aurais le malheur de me poser plus de vingt minutes par an sur le canapé familial :
"C'est vrai çà, tu n'as qu'à te faire la main sur la crêche ! Maintenant qu'on a de la place, çà nous changerait un peu du vieux machin en papier marron tout pourri sur lequel tu entassais à Courbevoie tes 50 santons sur 20 centimètre carré !"C'est si diplomatiquement demandé qu'on ne peut y résister, non ? Pourtant le maire m'avait prévenu : pour le meilleur et pour le pire.
"Oh oui, oh oui, Papa ! Alleeeeeez ,fais-nous enfin une belle crêche cette année, pour une fois ! ! !"Seule la petite dernière, qui redécore à la compote les murs de la cuisine du haut sa chaise haute, le visage dissimulé sous une couche de 2 cm de purée de carotte, se contente d'un gloussement hilare mais tonitruant, ses 7 mois l'empêchant provisoirement d'aggraver le score, déjà bien plombé par l'inutile et assassin emploi du mot
"enfin". Vaincu par la tribu réunie, je note accessoirement, et avec une jubilation intérieure toute parternelle, qu'en ces circonstances demanderesses,
"l'ancêtre" décrépi et grisonnant que l'on fait passer pour le grand-père à la sortie de l'école, a toutefois laissé place à un affectueux et moderne
"Papa".
Ce qui n'est pas sans me rappeler que j'ai moi-même, pas plus tard que la semaine d'avant, délaissé à la dernière minute et non sans réticence, mon très contumier mais affectueux
"grosse feignasse décérébrée payée à cancanner avec la postière" au profit d'un plus élégant et diplomatique
"Madame la Première Secrétaire de Mairie", en vue d'obtenir désespérément après plusieurs demandes polissées je ne sais quel formulaire C1143 - 24 bis. Comme quoi à l'impossible, nul n'est tenu, mais parfois un peu quand même. Mais passons également sur cet autre moment d'égarement bien pardonnable, et revenons à nos moutons - de terre cuite.
L'ultimatum est donc posé : je ne dispose que de 48h. Je parviens toutefois âprement, entre le fromage sous cellophane et le yaourt en veille de date de péremption, à négocier le recyclage d'une vielle table base Ikea qui pourrissait dans le garage, entre quelques autres merdes stockés pour le compte du beau-frère, légèrement plus à l'étroit dans son F1 à Toulouse. Mis au pied du mur, voilà donc votre pauvre serviteur contraint de passer de la
lecture théorique de la section Décor de ce forum, des articles LR et autres guides Faller pour débutant, à....
la pratique.
Défi de taille car, outre mon inavouable expérience concrête en diorama, outre un délai digne des meilleurs thrillers hollywoodiens, je ne n'accumule en tout et pour tout sous la main en cet instant pénible que quelques vieilles bandes platrées d'hôpital refourguées par un copain urgentiste après le passage à la résine pour les fractures, trois morceaux de polystirène qui se battent en duel, le tout agrémenté d'une épouvantable boite de peintures d'écolier, modèle bas de gamme 8 couleurs, achetée en promo à Super U à la dernière rentrée. Comme quoi, on n'est peu de choses tout de même. Oui, démerde-toi avec çà, mon p'tit gars, audacieux et mais courageux aventurier de la paternité. Alors, n'écoutant que mon courage, et accessoirement les piaillement de ma couvée, bravant des éléments météo eux aussi passablement hostiles, j'improvise à la hâte dès le lendemain matin aux premières lueurs de l'aube une excursion audacieuse et périlleuse dans le massif des Monédières. Ce qui me permet de récupérer tout de même quelques poches de beaux lichens. Puis, soucieux de calmer ma belle dont je vais fatalement pourrir le salon pendant quelques jours le temps des "travaux", je découvre sur le chemin du retour, au détour d'une châtaigneraie, signe du destin sans doute, un immense et très beau houx chargé de belles boules bien rouge, dont la ponction de quelques ramures échantillon à vocation décorative me permettra de mieux négocier mon retour, bottes boueuses et pull neuf déchiré. Un peu comme ces dresseurs de cirque qui bourrent leurs fauves de viande avant de les faire entrer sur la piste aux étoiles...
(Message perso pour Camboui19 : tu trouveras l'arbre en question sur la route qui mène au Suc au May en passant par Madrange).
Je vous épargne les jours suivants, ponctués de longues séquences de séchage, d'agacement, d'essai infructueux, d'écorces pébiblement peintes à la gouache, animés de longs hurlements stridents typiquement féminin à la vue d'improbables et microscopiques tâches de plâtres sur le carrelage, effacées en quelques secondes d'un coup d'éponge. Succession de journées ingrates rythmées par les passages incessants de l'aspirateur, au cas où un milligrame de papier maché viendrait à atterir malencontreusement sur les immondes bibelots empoussiérés de la tata Marcelle, au sujet desquels on me déclare allègrement sans ambage
"oui, c'est vrai qu'ils sont très moches, mais bon, c'est tata Marcelle , quand même, on va pas les jeter ! T'imagines, quand elle va venir au repas de Noël ?". Haaa...parlons-en, tiens, des "bibelots" de tata Marcelle, ce décor vieillot et abscon qui est à notre pièce à vivre ce que le home staging de Valérie Dabido est à la galerie des glaces de Versailles. Ce fatras immonde que je m'escrime régulièrement à planquer derrière un gros livre, accumulation improbable où la boule à neige du Mont St Michel fait une concurrence très loyale à la Vierge Marie plastique 50% plastique, 50% eau bénite. Les "bibelots de tata Marcelle", ce gros farfouilli d'étrons lugubrement alignés qu' "on ne va pas jeter quand même".... Ce fruit de mon incommensurable lâcheté conjugale, qui me pousse à feindre depuis des années l'ignorance de ces trois simples mots imprononçables : "ben si, justement".
Sans doute, connaissez-vous cela aussi, à n'en pas douter.... Mais je m'égare, je m'égare...
Et puis ce matin, c'est la dernière ligne droite : les gros éléments de décor
Escoffier (moulin, étable, maison bleue, pont) dont je disposais sont définitivement débarassés de leur papier bulle, et fébrilement positionnés. Vont-il bien intégrer leur emplacement définitif, si soigneusement calculés? Quelques caillous ici pour caler, un peu de sable de décor là...L'angoisse est à son paroxysme...
Allez, trêve de plaisanterie...
Quelques villageois des alentours s'approchent tranquillement. Le
vieil aveugle et l'enfant viennent de franchir le portail, le
ravi est déjà en extase, alors même que le
tambourinaïre sonne le rappel des troupes.
Que ce ruisseau m'a donné du fil à retordre ! L'objectif n'était pas d'aller chercher l'ultra-réalisme que l'on observe sur
nos vos réseaux mais de rester humblement ici dans le style très particulier des décors, plus grossiers dirons certains, des crêches provençales. Je m'en remets ici donc au jugement des spécialistes ici.
Point d'herbe artificielle, point de flocage vert, seulement des effets de teintes par touches délicates. Les lichens sont à peine traités, toujours pour respecter la palette graphique de la provence. Le sol est seulement coloré par des couches successives de lavis légers, pour respecter les tonalités nuancées ocre / gris / blanche des décors de crêche. C'est le santon vivement coloré qui doit rester la star. Unique consession ludique cette année, faute de temps : la fontaine au premier plan est alimentée par une petite pompe. Gadget idiot qui, somme toute, n'est pas indispensable avec le recul.
Vue d'ensemble du bestiau, 1m20 sur 80 cm. Les puristes méridionnaux auront noté la présence de l'ange
Bufaréu (prononcez Boufaréou, çà fait beaucoup plus "mec du coin") qui surplombe la scène au pied du moulin, en haut à gauche. Il ne reste plus qu'à mettre en route la stéréo pour y passer en boucle la
Pastorale des Santons de Provence...
L'an prochain, je prendrai peut-être le temps de motoriser les ailes du moulin, encore que, est-ce vraiment indispensable, je me tâte... Mais une chose est certaine : cet
affreux tissu rouge criard est, je vous le concède, une
faute de gout impardonnable, qui écrabouille brutalement les subtiles teintes du décor. Tout comme cette vulgaire guirlande électrique des années 90. On ne m'y reprendra pas deux fois à sous-traiter certaines tâches....Quand à l'arrière plan, le lambris blanc du mur cédera sa place à grande une toile de velour noir profond, étoilée çà et là de quelques diodes discrêtes. Mais bon, je n'avais que deux soirées !
A la prochaine !